Description
En Jamaïque, son nom est synonyme d’excellence. Il est l’un des secrets les mieux gardés de Kingston : Seuls les musiciens et les professionnels de la capitale connaissent Steven Stewart, le digne héritier d’Harry J., un ingénieur du son ayant travaillé avec Bob Marley, Ron Wood & Keith Richards (The Rolling Stones), etc. Harry J. lui a transmis son savoir, ainsi que la gestion de son studio mythique avant de partir en retraite. Stewart y officie toujours au quotidien : Il enregistre, mixe, et produit entre les murs étincelants des disques d’or des Wailers pour les albums « Exodus », « Catch A Fire », « Burning « , etc. Les dernières légendes jamaïquaines encore en activité continuent à le solliciter fréquemment, comme Burning Spear, ou Toots Hibbert qui lui a confié la production de son projet « True Love ».
Si Takana Zion a pu saisir l’opportunité d’enregistrer avec Steven Stewart au studio Harry J., c’est grâce à une autre pointure de la musique jamaïquaine : Sam « Junior » Clayton des Mystic Revelation Of Rastafarï. Conseiller musical de Takana depuis trois ans, Clayton raconte: «Aucun autre studio ne sonne comme chez Harry J. Pour enregistrer en « live », il n’y a pas mieux. La moitié des classiques reggaes a été confectionnée ici, les meilleurs albums de Bob Marley, des Heptones, de Peter Tosh, de Jacob Miller, de Jimmy Cliff… Et Steven Stewart a su préserver ce lieu au fil des années, c’est le seul endroit de l’île ou le son n’a pas changé, il a gardé toute la qualité et la chaleur du roots acoustique. »
Après avoir signé un premier album en Afrique dans le studio de Manjul, puis un second à Paris en 2009 (« Rappel A L’Ordre »), l’étape suivante de Takana Zion devait logiquement être la Jamaïque. Le leader de la nouvelle vague du reggae africain a donc foulé la terre de Marley avec des chansons plein la tête. Il avait préparé ses textes, aiguisé ses mélodies, et il trépignait d’impatience à l’idée de les immortaliser sur l’île de Marcus Garvey. Pour l’accompagner, les deux co-producteurs Steven Stewart et Sam Clayton convoquèrent l’élite des musiciens de Kingston: Sly Dunbar à la batterie, Sticky Thompson aux percussions, Robbie Linn aux claviers, ou encore Dalton Brownie à la guitare. « Ils se sont tous investis avec une grande générosité. » reprend Clayton. « Ils ont apporté leurs idées et leurs expériences, en n’hésitant pas à rester au studio jusqu’à des heures tardives quand c’était nécessaire. Nous avons travaillé en équipe, comme ça se faisait dans les années 70. »
On trouve donc sur ce disque une dizaine de morceaux cousus de fil roots, avec un son à la fois organique et moderne, comme cette guitare lumineuse sur « Give Thanks To Jah », ou les magnifiques envolés de cuivres sur « Rasta Gouvernement ». Entre deux perles roots, Takana ose aussi le crossover funk ( « My Music »). La session de studio avec Capleton restera parmi les meilleurs souvenirs de son aventure jamaïquaine : « Capleton est un phénomène, une vingtaine de rastas le suivent partout en voiture et en moto. » se souvient Clayton. « Ils ont tous débarqué chez Harry J et ça a mis une ambiance assez chaude, il y avait beaucoup d’énergie dans le studio. Quand Takana et Capleton sont entrés dans la cabine de voix, le crew de Capleton y est allé aussi. Les deux artistes étaient entourés de rastas de tous ages qui bougeaient et dansaient autours d’eux pendant qu’ils chantaient. La vibration était tellement forte qu’une seule prise a suffi et c’était dans la boîte ! ». Le résultat s’avère imparable : « Jah Glory » est le genre de chansons qui vous résonnent entre les tympans toute la journée. Sur de nombreux autres morceaux, Takana combine des refrains entêtants et des textes engagés. Il insiste sur l’importance de ses messages : « Rise Up » incite son peuple à redresser la tête et à garder l’espoir en cette période de crise internationale, alors que « Rasta gouvernement » plaide pour une nation qui réhabiliterait la fraternité et la liberté d’expression entre les citoyens, autant de valeurs essentielles qui semblent s’estomper dans les pays dit « développés ». Évidemment, Takana se sert des codes et du vocabulaire rastas pour dénoncer la corruption de « Babylone », mais ses thématiques dépassent largement les clivages sociaux et ethniques.
À l’attention du continent de ses ancêtres, il n’oublie jamais de chanter dans son dialecte natal, en malinké (« M’Bife »). Il sait que, pour beaucoup de jeunes des bidonvilles, ses paroles sont éducation. Car Takana demeure une vraie star en Afrique de l’Ouest, et particulièrement dans sa Guinée natale. La moindre de ses mixtapes y est dupliquée en plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, et ses concerts remplissent des stades entiers. En France par contre, seuls les amateurs de reggae mesurent son véritable potentiel. Le grand public ignore encore l’étendu de son talent. Gageons que cet album jamaïquain, indiscutablement le plus abouti de sa discographie, lui permettra enfin de rétablir un peu ce déséquilibre de notoriété entre l’Afrique et l’Occident.